LA GRÈVE, UNE CONSTRUCTION COLLECTIVE ET REVENDICATIVE

Rappel des textes légaux :

Le droit de grève est un droit fondamental à valeur constitutionnelle. S’agissant des fonctionnaires, leur droit de grève découle de l’article 10 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires qui dispose que « les fonctionnaires exercent le droit de grève dans le cadre des lois qui le réglementent ».

Le droit de grève est considéré comme un droit collectif qui s’exerce, en principe, par le biais d’une cessation collective et concertée du travail et ne peut donc être le fait d’un agent·e isolé·e, sauf exception notamment si l’agent·e est seul·e dans la collectivité à pouvoir défendre utilement ses revendications professionnelles (CAA Marseille 18 juin 1998 n° 96MA10733).

La grève est définie par les juridictions de l’ordre judiciaire et les juridictions de l’ordre administratif comme une cessation concertée et collective du travail pour défendre des intérêts professionnels.

 

Pour que la grève soit permise, elle doit réunir trois conditions : 

  • Une cessation de l’activité 
  • Une cessation concertée
  • La défense d’un intérêt professionnel

Le préavis de grève est un outil à disposition des syndicats dans une démarche revendicative permettant de créer le rapport de force et faire aboutir leurs revendications. Faire grève, c’est faire le constat que les échanges entre, le syndicat, les agent·es et la collectivité, est dans une impasse. Faire grève, es l’un des principaux contre-pouvoirs à disposition des agent·es qui permet d’obtenir que des négociations soient engagées.

À retenir :

La grève est un droit à une cessation collective et concertée du travail

Tou·tes les agent·es du secteur public (les fonctionnaires titulaires ou stagiaires, en contrat à durée indéterminée ou déterminée, les vacataires, etc…) bénéficient du droit fondamental de faire grève. Pour cela, un préavis de grève est nécessaire.

 

Il est obligatoire selon une condition :

- Pour les communes de moins de 10 000 habitants, pas besoin de préavis.

- Pour - Pour les communes de plus de 10 000 Habitants, il faut un préavis.

I. Le préavis de grève et sortie de conflit

Le préavis de grève est une information écrite transmise par une organisation syndicale (ou plusieurs en cas d’inter-syndicale) à l’employeur pour l’avertir qu’une grève est envisagée. Il se travaille dans le cadre d’une démarche revendicative. (Voir note) Il précise les motifs du recours à la grève, les revendications, son champs géographique (le périmètre de couverture : la mairie, l’intercommunalité, le département, le service, la catégorie d’agent·es…), l’heure du début et la durée (limitée ou non) de la grève envisagée.

 

Le préavis doit parvenir 5 jours francs (hors samedis et dimanches) avant le déclenchement de la grève. Il doit être remis à l’autorité territoriale concernée. Nous vous conseillons de le transmettre par courrier avec A/R, par mail avec A/R et de compléter avec une remise en main propre au service RH avant une diffusion large aux agent·es.

 

Le Conseil d’État, dans un arrêt du 16 janvier 1970 (C.E. N° 73894 du 16/01/1970 - Hôpital Rural de Granvilliers) a considéré que le dépôt d’un préavis au niveau national auprès d’une autorité publique rend la grève licite sans qu’il soit besoin de déposer un second préavis auprès des autorités ou des directions locales. Le préavis de grève national déposé par notre organisation couvre donc bien tous les personnels de notre champ de syndicalisation. Un employeur local ne peut donc réfuter un préavis de grève national.

 

Si le délai de 5 jours n’est pas respecté par l’organisation syndicale, les agent·es grévistes s’exposent à des sanctions disciplinaires.

 

Le préavis peut être réalisé par :

  • Une organisation syndicale représentative au niveau national,
  • Une organisation représentative au niveau local de la catégorie professionnelle : - du syndicat auprès de l’administration, - de la CSD auprès de la Préfecture (représentant de l’état sur le territoire, possible aux ministres)

Pendant la durée du préavis, les parties, l’organisation syndicale et l’administration, sont tenues de 

négocier. Article L2512-2 du code du travail

 

Le terme « tenue » est soumis à interprétation car si nous l’entendons comme une obligation, elle ne l’exprime pas. Pour autant, nous pouvons assurer que la tenue de négociations, n’indique et n’oblige en rien l’employeur à une sortie de conflit, c’est-à-dire de « résultat ». Selon le résultat des négociations, les ou l’organisation syndicale informe l’employeur du maintien ou de la suspension du préavis de grève. 

En cas d’échec, le préavis est maintenu et les agent·es peuvent exercer leur droit de grève.

 

En cas d’accord de tout ou parties des revendications portées : nous vous conseillons de réaliser un accord de sortie de conflit ou un accord de fin de grève. Celui-ci doit être conclu à la fin des négociations : ne pas attendre l’envoi hypothétique du compte-rendu de l’employeur.

 

Il doit comporter plusieurs éléments :

  • La date de la rencontre et le motif
  • Les participant·es
  • Les revendications débattues
  • Les accords, le plus précis possibles (Le montant d’une rémunération, la date du versement, les personnels concernés, passage en instance, en délibération…)
  • Les désaccords : tous les points non conclus
  • Préciser qu’en cas de non-respect de ce dernier, notre organisation se donne le droit de déposer un 
  • nouveau préavis de grève
  • Signature des deux parties (L’employeur non pas la DRH et le représentant de l’organisation : le SG 
  • ou en cas d’absence un membre de la CE)
  • Inclure une possible clause de revoyure
  • Repartir avec une copie diffusable aux agents

II. Quelle position des agent·es durant la grève ?

Depuis la loi du 6 août 2019, le législateur a encadré et freiné le droit de grève dans la fonction publique territoriale, en mettant en place « le service minimum » pour certains services et agent·es. Cependant, comme indiqué tou·tes les agent·es ne sont pas concerné·es. Il convient donc de distinguer plusieurs positions statutaires durant la grève : la position de gréviste, la réquisition et la désignation, « le service minimum ».

Nous le savons les employeurs et les services RH, pouvant être mal informés voire mal attentionnés, ne respectent pas les distinctions et entretiennent certains mythes et fausses informations créant le trouble auprès des agents voir de nos organisations. Nous devons y remédier pour faire respecter nos droits.

 

A) L’agent·e : gréviste

 

La cessation du travail pendant la grève doit être réelle et totale.

  • La grève sauvage (par des agent·es en dehors de toute consigne syndicale)
  • La grève tournante (qui affecte successivement différents services)
  • La grève sur le tas (avec une occupation des locaux)
  • La grève politique (avec des revendications politiques et non professionnelles)
  • La grève perlée (avec une succession concertée d’arrêts du travail en vue de ralentir le fonctionnement général de l’administration) est illicite.

 

Connaitre ces interdictions nous permet d’organiser nos actions et d’être stratégiques. Nous restons une organisation syndicale de lutte et de résistance. Si nous devons connaître les dispositions légales, nous sommes à même de les utiliser dans notre rapport de force.

Si ces modes sont illicites, rien ne s’oppose à ce que les agent·es suivent le mouvement de grève seulement pendant une période prévue par le préavis. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce qu’un·e agent·e puisse rejoindre le mouvement de grève postérieurement à la date fixée par le préavis (CE du 29 décembre 2006 n° 286294).

 

Enfin et sauf service minimum (voir ci-dessous), il n’existe aucun délai de prévenance de l’employeur et il ne peut être imposé à un·e agent·e d’indiquer à son autorité son intention de participer à la grève avant le déclenchement de celle-ci. Il appartient à l’autorité territoriale de procéder au recensement des grévistes. Elle peut établir la participation à la grève par divers moyens (liste des agents non-gréviste, pointage …). Les agent·es absent·es le jour de la grève sont présumé·es grévistes à moins qu’ils n’apportent la preuve que leur absence est justifiée par un autre moyen.

 

L’absence de service fait par suite de grève entraîne pour chaque journée une retenue du traitement ou du salaire. Cette retenue est proportionnée à la durée de la grève :

1/30ème pour une journée d’absence

1/60ème pour une demi-journée d’absence

1/151,67ème par heure d’absence

 

La retenue s’opère sur le traitement ou le salaire, l’indemnité de résidence, les primes et indemnités 

diverses versées à l’agent·e en considération du service qu’il a accompli et les primes versées annuellement ramenées à un «équivalent moyen mensuel». Le supplément familial de traitement est maintenu en intégralité. La retenue ne doit pas dépasser la quotité saisissable de la rémunération.

 

Concernant les agent·es soumis·es à une durée journalière variable, qui, par exemple pour une journée de 6 heures, font grève une demi-journée, il convient de retenir soit 3/151,67 ou 1/60ème. La retenue la plus avantageuse pour l’agent·e est opérée. La retenue s’opère sur le traitement du mois où la grève a eu lieu.

 

L’exercice du droit de grève par un·e agent·e territorial·e ne doit avoir aucune conséquence sur sa carrière ou sur son contrat de travail. Aucune mention ne doit être faite de ce que l’agent·e a été gréviste au sein de son dossier individuel, ni aucune sanction, ni discrimination ne doit être prise sur ce fondement.

 

B) La réquisition et la désignation

 

Bien trop souvent, nous entendons des agent·es nous parler de « réquisition » sans savoir que celle-ci n’existe pas, ou seulement dans certaines conditions dans la fonction publique territoriale. L’amalgame est orchestré par les employeurs, renforcé par les médias qui n’effectuent pas le travail d’information sur la différence entre les trois versants de la Fonction publique. En effet, ce qui est valable dans la FPH ne l’est pas forcément à la FPE ou à la FPT.

 

La désignation ne peut être mise en place que dans le cas susmentionné d’un service public strictement indispensable. Elle ne peut intervenir que dans le cas où aucun agent·e non-gréviste ne peut assurer le service minimum (CE, n° 58778, 58779, 09/07/1965, POUZENC & CE, 67286, 16/12/1966). Elle s’effectue par décision de l’autorité territoriale, sous réserve de l’appréciation du juge administratif, qui vise l’emploi concerné. Cette désignation doit être motivée et notifiée aux agent·es concerné·es. Elle ne saurait avoir un caractère général et est limitée à des emplois précis strictement indispensables. Il est possible pour ces agent·es d’entamer une procédure de recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif.

 

Dans les faits, pour désigner un·e agent·e, l’employeur doit avoir préalablement déterminé la nature des emplois concernés et les missions relevant du service minimum. Elle se fait après un recensement des grévistes et non-grévistes, après appel à volontariat et si absence de réponse,l’employeur sur motivation, peut donc désigner un·e agent·e à être en service. Attention, cela doit se faire par un processus administratif transparent et collectif.

 

La réquisition ne peut être fait que par le·la représentant·e de l’État sinon elle n’existe pas dans la FPT, seulement à caractère exceptionnel et pour certains corps de métier.

 

L’article L2215-1 4° du Code général des collectivités territoriales dispose qu’« en cas d’urgence, lorsque l’atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l’exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou plusieurs ou une seule d’entre elles, réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l’usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu’à ce que l’atteinte à l’ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées. » La réquisition doit être motivée, comporte des mesures imposées par l’urgence et proportionnées aux nécessités de l’ordre public. Elle peut faire l’objet d’un recours devant le juge administratif.

 

Dans les faits, aucun employeur public ne peut réquisitionner un agent·e. Ce terme est dévoyé. La réquisition ne peut se faire comme mentionné ci-dessus par le préfet. Un employeur peut donc solliciter le préfet afin de réquisitionner des agent·es seulement sur des conditions d’atteinte à l’ordre public et de sécurité. Pour être réquisitionné, l’arrêté des agent·es pouvant être concerné·es doit contenir un 

caractère d’astreinte particulière, auquel cas aucun·e agent·e n’est réquisitionnable.

 

C) Le service minimum

 

La loi du 6 août 2019 met en place un « service minimum » dans la fonction publique territoriale qui vient encadrer et freiner le droit de grève sous certaines conditions : la mise en place d’un protocole d’encadrement du droit de grève.

Nombre de nos organisations ne savent pas si un tel protocole existe. Tout d’abord, si vous vous ne savez pas, c’est qu’il n’y en a probablement pas ! Si vous avez un doute, demandez-vous si un tel protocole a fait l’objet d’une négociation, d’une présentation et un vote en CST, d’une délibération dans votre collectivité ? Si vous ne trouvez aucune information, encore une fois, c’est qu’il n’y a tout simplement 

pas de protocole et tant mieux ! Notre organisation n’a aucun intérêt à voir un tel protocole se mettre 

en place.

 

Ainsi :

Si dans votre collectivité, il n’y a pas eu de négociations sur le protocole d’encadrement du droit de grève avec la mise en place d’un « service minimum » : Le droit de grève reste identique rien ne change, quel que soit le service ou les missions exercées par l’agent·e : Les grévistes peuvent se déclarer grévistes à l’heure, à la demi-journée ou à la journée. Un·e agent gréviste n’est pas obligé·e d’informer son administration de son intention de faire grève.

 

Dans votre collectivité, l’employeur souhaite ou a souhaité mettre en place le « service minimum », voilà ce que vous devez retenir :

L’accord doit intervenir après un processus de négociations de 12 mois entre les organisations syndicales représentatives et l’employeur. Attention, toute invitation à une réunion avec la DRH sur un tel sujet peut valoir l’ouverture du délai de négociation. Si d’autres organisations syndicales s’y rendent et pas la nôtre, le délai débute quand même. Malgré notre farouche opposition, nous devons y assister et lancer notre démarche revendicative auprès des agent·es. À défaut d’accord, l’employeur est libre de prendre un accord unilatéral qui sera soumis au vote du comité social territorial avant délibération par l’assemblée délibérante de la collectivité.

 

L’accord concerne uniquement :

  • Collecte et traitement des ordures ménagères,
  • Transports publics,
  • Aide aux personnes âgées et handicapées,
  • Crèches,
  • Accueil périscolaire,
  • Restauration collective et scolaire

L’accord doit déterminer les fonctions et nombre d’agent·es indispensables pour assurer « la continuité du service public ». Il définit également les conditions dans lesquelles l’organisation du travail est adaptée et les agent·es présent·es affecté·es, en cas de perturbation prévisible des services.

 

Revendications CGT :

 

Au-delà de notre refus d’un tel protocole et le combat que nous aurons à mener, notre organisation revendique que la définition du « service minimum » ou « continuité de service » soit la plus précise possible et ne se limite pas à la mention de la présence de la moitié du personnel d’un service pour assurer l'exercice des missions.

 

Nous devons donc négocier, service par service, les missions qui devront être priorisées en cas de grève, c’est-à-dire uniquement celles dont le service a besoin pour fonctionner « en mode dégradé ».

 

ATTENTION : Un fonctionnement « en mode dégradé » est un fonctionnement pendant lequel le travail se fait sans disposer de toutes les ressources organisationnelles ou techniques.

 

Après négociations, passage en CST et en délibération dans l’organe délibérant de la collectivité, l’impact du droit de grève pour les agent·es sera le suivant : art. L. 114-9 du CGFP :

  • Un délai de 48 heures pour se déclarer gréviste auprès de son employeur public, comprenant au moins un jour ouvré
  • Un délai de 24 heures pour informer son employeur public de son intention de reprendre son service, à l’exception du cas où la reprise de service correspond à la fin de la grève
  • L’agent·e territorial·e qui ne se conforme pas à ces obligations d’information s’expose à une sanction disciplinaire dans ce contexte

 

Syndicat CGT du Conseil Départemental des Bouches-du-Rhône

N° matricule communal RC : 997/D — N° matricule départemental : 5998