10 faits sur l'immigration et les travailleurs étrangers

1. Il n’y a pas de submersion migratoire

En France, le nombre d'immigré de nationalité étrangère est évalué à 4,8 millions, celui des immigrés naturalisés français·es à 2,5 millions, et le nombre d'étrangers nés en France à 0,8 million, soit un total de 7,3 millions. Aucune explosion des flux n'est révélée par la statistique nationale. Toutes catégories confondues, les immigré·es ne représentent que 10,7 % de la population. En retirant celles et ceux qui ont la nationalité française, on arrive à 8,2 % des habitant·es – et 3,5 % d’entre elles et eux sont Européens. Si l'on peut observer une augmentation relative, la proportion de personnes nées à l’étranger est 1,5 fois plus élevée en Suède, en Allemagne ou en Belgique que chez nous.

 

2. Une panique reprise et alimentée notamment par Bruno Retailleau… à rebours des chiffres de son propre ministère

Selon les chiffres publiés par le ministère de l'Intérieur, la présence étrangère sur le territoire français, mesurée par le stock de titres valides et documents provisoires détenus au 31 décembre 2024, est de 7,6 %. Cette réalité recouvre d'importantes disparités, certains départements présentant un taux inférieur à 4,3 % tandis que seuls 18 départements ont un taux supérieur à la moyenne, avec une concentration observée en Île-de-France ou dans les agglomérations lyonnaise et marseillaise.

 

3. La France n’a pas accueilli plus d'un demi-million d'immigrés supplémentaires

Ce chiffre avancé par le Premier ministre est faux : comme les démographes les plus qualifié·es l'ont démontré, les services de l'État ont malencontreusement additionné les demandes d'asile et les premiers titres de séjour, aboutissant à compter deux fois une même personne. Pratique : en grossissant outrancièrement les chiffres par un simple artifice de débutant·e, on claironne la nécessité d'opérer une « réduction drastique ».

 

4. Il n’y a pas un flot d'arrivée sur le territoire national

Contrairement à une idée reçue, les arrivées sont relativement stables, 300 000 personnes par an. Un tiers d’entre elles sont des étudiant·es n'ayant pas vocation à rester, un autre tiers concerne l'immigration familiale et un dernier tiers se décompose en immigration de travail et titres de séjour humanitaire délivrés pour les réfugié·es. Enfin, si l'on prend en compte la différence entre le nombre des entrant·es sur le territoire et le nombre de celles et ceux qui en sont sortis en 2023, le solde positif (solde migratoire net) n'est que de 183 000 personnes. Selon l'Insee, entre 2006 et 2020, pour quatre entrées d'immigré·es en France, on compte une sortie et un décès.

 

5. Une criminalisation de l’immigration

L'obligation de quitter le territoire français (OQTF) est un simple acte administratif qui s'applique systématiquement à toute personne ayant fait l'objet d'un refus de régularisation et en aucun cas une décision judiciaire relative à un crime ou un délit pénal.

 

En faisant des immigrés visés par une OQTF une catégorie de délinquant·es, Retailleau donne au pouvoir administratif des prérogatives qui n'ont qu'un seul but : criminaliser l'immigration dans son ensemble, l'isoler du reste de population et la désigner comme une menace pour des raisons purement idéologiques et politiciennes.

 

Dans un État de droit, seul le ou la juge judiciaire est compétent pour qualifier un délit pénal. Refuser de régulariser un demandeur de titre de séjour en assortissant le refus d'une OQTF ne fait pas de l'immigré·e un·e délinquant·e au sens pénal. Pour autant, la France bat les records en matière de distribution des OQTF – c'est le taux le plus élevé de l'Union européenne. Avec une durée de validité de trois ans au lieu d'un depuis la mise en œuvre de la loi Darmanin, les personnes visées par une OQTF qui pourraient être régularisées au titre du travail sont confinées dans une zone de non-droit et soumises à la surexploitation du travail par des employeurs voyous – comme on le voit avec l'explosion bien réelle des traites d'êtres humains par le travail. L'effet d'aubaine concerne bien plutôt les exploiteurs que les travailleurs.

 

6. Le coût net de l'immigration n’est pas exorbitant

La rigueur comptable implique de mettre en rapport le coût supposé de l'immigration avec les recettes. Un grand nombre d'étrangers paient des impôts (impôt sur le revenu, TVA) et s'acquittent des cotisations sociales, CSG… dont ils et elles ne profitent pas. Il faut également prendre en compte les dépenses publiques engendrées par cette présence, prestations sociales et familiales et dépenses de santé et d'éducation.

 

Selon l'OCDE, les étrangers perçoivent en moyenne moins d'argent public que les Français·es (0,94 euro contre 1 euro) – de quoi tordre le cou à l'idée de la générosité de l'État social et de l'effet d'aubaine pour l'immigration. Les immigré·es sont surreprésenté·es dans les classes d'âge entre 20 et 60 ans, période au cours de laquelle le montant des cotisations payées est en moyenne supérieur à celui des avantages perçus. Selon l'OCDE, pour un euro dépensé les étranger·es rapporteraient en moyenne 0,88 euro. L'impact de la contribution budgétaire nette totale des immigré·es oscillerait entre – 1 % et 1 % ce qui reviendrait (au pire) à considérer que son impact sur les comptes publics est neutre.

 

7. Une politique de reconduite systématisée aggraverait drastiquement l'état de nos finances publiques

Selon l'estimation de la Cour des comptes, le coût de la reconduite a été évalué à 13 220 euros par personne (soit un coût annuel estimé entre 16,8 et 20,8 milliards d'euros), chiffre qu'il faudrait compléter par les frais liés au placement en centre de rétention – 27 000 euros par personne d’après la Cimade. Les velléités punitives du ministre de l'Intérieur seraient bien plus coûteuses pour les finances publiques qu'une politique d'intégration par le travail et de renforcement de nos services publics.

 

8. Le rehaussement du niveau de français requis est un facteur d’exclusion

En rehaussant le niveau de langue nécessaire pour l'obtention d'une carte pluriannuelle de deux à quatre ans ou une carte de résident·e, la loi Darmanin en fait un facteur d'exclusion et une barrière à la diversification de la population immigrée plutôt qu'un vecteur d'insertion. En prévoyant des examens oraux et écrits, elle aboutit à ce que la plupart des demandeur·ses reçoivent dans le meilleur des cas des titres de séjour extrêmement précaires d'un an avec interdiction d'aller au-delà de trois renouvellements d'un même titre. De plus, si les travailleur·ses concerné·es disposent d'un droit à la formation linguistique inscrit dans le Code du travail, le nombre d'heures s'avère insuffisant à l'égard du niveau requis.

 

9. La dématérialisation des procédures d'accès au séjour est une machinerie kafkaïenne

En supprimant les files d'attente devant les préfectures, le gouvernement les a transférées dans l'espace cauchemardesque de l'administration numérique, avec des délais d'attente et d'instruction parfois supérieurs à dix-huit mois. Des étranger·es en situation régulière peuvent ainsi se retrouver dans une zone de non-droit à l’occasion des renouvellement de titres. Invisibiliser la population migrante c'est aussi faire du numérique un outil d’exclusion et d'illégalisation qui conduit à des ruptures de contrat de travail et de droits sociaux.

 

10. L’immigration occupe une place importante dans le monde du travail

La population immigré·e est surreprésentée dans des secteurs d'activité dont la pénibilité s'avère élevée et dans des conditions d'emploi fortement dégradées, tels qu’hôtellerie-restauration, BTP, services à la personne, collecte de déchets, propreté, personnels médicaux, gardiennage et sécurité… pour une rémunération plus faible et une probabilité de chômage plus élevée que le reste des travailleurs.

 

Ils et elles font partie intégrante du monde du travail, et à ce titre la précarisation de leurs droits sociaux entraîne un affaiblissement des droits de toutes et tous. La régularisation sur simple preuve de travail, au-delà des listes régionales des métiers en tension bien insuffisantes, la bataille pour l'égalité des droits et l’unité de la classe des travailleuses et des travailleurs sont plus que jamais la seule réponse à la déferlante raciste et xénophobe.

 

Pour garantir l’égalité des droits, seul moyen de lutter contre le dumping social organisé par le patronat, la CGT revendique :

  • un titre de séjour de plein droit pour les travailleurs migrants à partir de la simple preuve de travail ;
  • l’égalité de traitement entre salariés, quel que soit le statut d’emploi, pour la délivrance du titre de séjour par le travail ;
  • la prise en compte des inégalités que vivent les femmes salariées migrantes ;
  • l’obligation pour les opérateurs de compétences de garantir une formation français/langues ;
  • la simplification des procédures de renouvellement de titre et le renforcement des effectifs en préfectures pour notamment fluidifier le traitement ;
  • le droit au travail légal pour les demandeurs d’asile.